Sept façons de rattraper le retard

La Foire du Livre de Bruxelles vient de refermer ses portes. Certains se disent peut-être qu’ils (ou elles, puisque les fans de polars sont à près de 70% des femmes !) ont raté l’occasion de découvrir les dernières nouveautés en matière d’écritures noires. Qu’à cela ne tienne ! Voici les sept incontournables que vous auriez pu découvrir à Tours et Taxis. Parmi eux, plusieurs textes relevant du journalisme gonzo, «l’art (ou la compulsion) d’imposer une forme romanesque à un contenu journalistique», comme Hunter S. Thompson, père de l’écriture gonzo, la définissait lui-même. Et où il s’agit aussi d’écrire en immersion avant de raconter les événements tels que l’auteur les as vécus.

Caryl Ferey était le « grand invité polar » de la Foire. De Zulu à Mapuche, Ferey écrit des romans extrêmement noirs et violents, très informés et inspirés, toujours chaotiques à l’image des pays où il situent leur action, de la Nouvelle-Zélande, à l’Afrique du Sud, en passant par l’Argentine ou le Chili. Son dernier texte (publié chez Paulsen) Norilsk, est un roman-reportage (gonzo, donc) sur la ville sibérienne où Ferey a vécu un long moment. Impressionnant. Dans la série des enquêtes de l’inspecteur Mc Cash, vient de sortir, en janvier 2018, Plus jamais seul (Gallimard).

Flic et écrivain dont les romans sont une plongée dans les mondes les plus noirs qu’il connaît bien (Code 93, Territoires ou Surtensions, parus chez Michel Lafon et en Pocket), Olivier Norek s’est, lui, immergé dans la jungle de Calais où il a travaillé pendant plusieurs mois comme bénévole avant d’écrire Entre deux mondes, roman par lequel il décrit cette zone inhumaine et insoutenable, tant du point de vue des policiers que de celui que des migrants. Ici, le style s’est affiné par rapport aux romans précédents et l’on sent que le scénariste Norek développe de plus en plus un vrai projet d’écriture.

Sylvain Forge, spécialiste du numérique, a reçu le prix du Quai des orfèvres 2018 pour son roman Tension extrême (Fayard), très documenté lui aussi, sur la cyber criminalité. Après cette lecture vous n’utiliserez plus votre smartphone le cœur léger. Et quand l’ennemi invisible menace une ville entière, on frissonne.

Carlo Lucarelli est considéré comme l’auteur de romans noirs le plus populaire d’Italie, notamment grâce à la série consacrée au Commissaire De Luca ou à son personnage de femme flic, Grazia Negro. Il avait déjà touché au polar historique en publiant Guernica (Galliard, 1998). Après La huitième vibration (Métaillié, 2010) et Albergo Parma (Métaillié, 2010), il poursuit son périple dans l’Erythrée, colonie italienne du 19ème siècle, avec Le temps des hyènes ( Métailié, 2018), traduit de l’italien par Serge Quadruppani. En 1896,  le capitaine Colaprico, et son assistant, le « Sherlock Holmes abyssin », Ogba enquêtent sur 3 « suicides » de noirs pendus à un sycomore. Ce qui ne risque pas de mobiliser un capitaine des carabiniers! Mais quand c’est le Marquis Sperandio qui choisit le même sycomore pour se pendre, la ville de Massaoua s’agite ! Étonnante écriture, mêlant les langues, et développant lentement l’intrigue dans une chaleur poisseuse tout africaine.

Benedek Totth était partout lors de la Foire 2018, en interview, en signatures et même en rencontre au Parlement francophone Bruxelles! Et pourtant cet écrivain hongrois n’a encore publié qu’un seul roman en français, chez Actes Sud, Comme des rats morts, traduit du hongrois par Charles Zaremba et Natalia Zarembe-Huzsvai. Portrait terrifiant et désespéré (désespérant ?) d’un groupe d’adolescents dont les points de repère sont la natation et la piscine où ils s’entraident, avant d’enchainer la drogue, le sexe, les jeux vidéos, la violence. Et l’ennui, qui les entrainera dans un cercle encore plus violent. Terrible.

Armelle Carbonel, nouvelle venue dans le monde du polar, a fait une entrée remarquée avec Criminal Loft, son premier roman publié aux Editions Bragelonne, label Milady. Elle récidive chez le même éditeur avec Majestic Murder qui confirme son surnom de « nécromancière ». Dans la lignée de Stephen King, dont elle est une lectrice assidue, elle dissèque les pulsions criminelles et place le lecteur dans le rôle du voyeur.

Enfin, faut-il encore présenter Karine Giébel ? Depuis Terminus Elicius (collection « Rail Noir », 2004) elle a collectionné les prix et les lecteurs et ses livres sont traduits en dix langues ! Son dernier livre, D’ombre et de silence (Belfond), est un recueil de huit nouvelles, dont trois inédites. Ce sont des récits noirs et violents de descente aux enfers diverses, façon Giébel, évidemment. Pour les amateurs.

Évidemment, à cette liste il faut certainement ajouter les trois romans révélés par le Prix Fintro Écritures noires 2017. La lauréate Isabelle Corlier, dont nous avons déjà parlé sur ce blog, a connu un vrai succès à la Foire 2018 avec son roman Ring Est (Ker éditions), ancré dans l’univers de la justice bruxelloise.  Luc Dupont, mention spéciale du jury, en a séduit plus d’un par les qualités d’écritures étonnantes que son premier roman Anna ici et là (Onlit-editions) a révélées. Et Effel, finaliste, a livré un excellent docu-polar, comme l’a qualifié Sébastien Ministru, sur les coulisses du Doudou montois avec Le Dragon déchainé (180° éditions). Un cru exceptionnel, donc, et qui place la barre très haute pour tous ceux qui voudront soumettre leur manuscrit au jury du prix 2018, dont le règlement est à consulter sur le site www.flb.be.

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