Le conseil polar du festival Nuit blanche du Noir pour une fin de semaine de pur bonheur littéraire… avec Franck Bouysse.

En 2017, on ne connaissait  pas Franck Bouysse. Mais il était catalogué auteur de polar et si, par hasard, on achetait son roman Plateau, c’est parce qu’il était en promo au format de poche et qu’il était bien assez mince pour tenir facilement dans un sac à main. On ne connaissait pas Franck Bouysse et quand on ouvrait Plateau, on ne s’attendait pas à plus qu’à un polar à la française, bien ficelé certes, où l’enquête menée par un flic probablement décalé finirait par se résoudre sur un retournement de dernière page.
Alors, en effet, on ouvrait  Plateau sans a priori, et sans autre attente qu’un moment de lecture noire. Et, dès les premières pages, on se retrouvait complètement désarçonnés,  accrochés, emportés par un texte magnifique, hors du temps, dans lequel Bouysse dépiautait le monde du Plateau de Millevaches comme on éviscère les lièvres et les poulets. L’intrigue, bien noire il est vrai, en devenait secondaire car sur le Plateau rien n’est évident, la vérité se dissimule dans les broussailles et les grottes ou sous le gel, le récit se construit par allusions, sur des non-dits, des choses qui auraient dû être mais n’ont pas été ou n’ont pas pu être et dont on s’accommode. Alors, on se laissait saisir par cette écriture, forte mais ciselée, violente mais émue, aux métaphores tantôt délicates tantôt puissantes où les pulsations de la terre et du sang s’incrustent dans des images qui ébranlent. Et,  dès Plateau refermé, on se précipitait, sans attendre, sur Grossir le ciel, qui, dans un registre mineur mais tout aussi poignant, tenait ses promesses. Et puis, il y eut Glaise, cette histoire d’amour sauvage, au cœur du Cantal, dans la chaleur moite d’août 1914, quand Joseph, quinze ans, doit prendre soin de la ferme familiale et devient l’ami de Léonard, son vieux voisin. Bouysse y confirmait son immense talent et y renforçait l’amour passionné que l’on portait à ses textes.

Désormais, Bouysse est une star. Son dernier texte Né d’aucune femme a reçu une douzaine de prix. Mais le miracle de son écriture magnifique et de ses intrigues ancrées dans un monde paysan intemporel se répète à nouveau. L’histoire déchirante de Rose, vendue par son père au Maître des forges et qui finit enfermée à l’asile, se révèle par touches, changeant le sillon du récit comme la rivière change de cours, laissant le lecteur dans une attente suspendue, frustrée parfois, mais toujours comblée par  ce moment de lecture qui suspend le temps, rassure quant au pouvoir des mots et du style, ce moment vital où l’esprit en redemande et repart, ragaillardi, vers d’autres pages noircies. (CD)

Plateau, 2016, La Manufacture de Livres et 2017, Livre de Poche.
Grossir le ciel, 2017, La Manufacture de Livres et 2018, Livre de Poche.
Glaise, 2018, La Manufacture de Livres et 2018, Livre de Poche.
Né d’aucune femme, 2019, La Manufacture de Livres.

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