Le conseil lecture du Festival Nuit blanche du Noir pour une fin de semaine à se couvrir…

De cendres et de larmes (Sophie Loubière)

Madeline est sapeur-pompier. Elle a risqué sa vie dans l’incendie de Notre-Dame. Et chaque jour elle sauve des êtres humains blessés ou à la dérive. Mais quand elle rentre dans le minuscule appartement parisien où s’entasse littéralement la famille Mara (Michael, l’ado difficile issu de son premier mariage,  Eliott et Anna ainsi que leur père Christian, jardinier dans les espaces verts parisiens) c’est la joie de vivre, l’énergie et l’amour qu’elle retrouve.

Au début de l’été 2019,  Christian annonce l’incroyable nouvelle. Il vient d’obtenir un poste doté d’un logement de fonction de rêve : un pavillon de 180m2 avec jardin, et une chambre pour chacun ! D’accord, le job est particulier puisqu’il s’agit de devenir gardien du cimetière de Bercy ! Mais la famille est séduite et les enfants s’habituent vite au décor, aussi flippant qu’enthousiasmant.

Pour Madeline, le retour à son travail si absorbant est plus serein.  Christian, lui, se confronte progressivement à un quotidien fait de mort, de douleur et d’insupportable inhumanité comme lors des exhumations. Peu à peu, ses vieux démons intérieurs enfouis depuis si longtemps ne demandent qu’à refaire surface et il ne trouve pas d’autre moyen pour les conjurer que de se remettre à dessiner et à peindre. Il aménage son atelier dans une dépendance envahie par les champignons et l’humidité mais il n’en a cure : c’est là qu’il peut trouver l’exutoire de ses peurs dans la pratique de son art. Son humeur change, il devient irascible, violent même, il ne mange plus. La mort l’obsède.  Peindre l’obsède. En même temps, les enfants se mettent aussi à souffrir, dans leur esprit comme dans leur corps. La maison aurait-elle des comptes à régler avec ses nouveaux occupants ? Les esprits des anciens locataires hantent-ils encore les lieux ? Qui pousse ces cris déchirants qui traversent la nuit du cimetière ? Insidieusement, le drame se noue..

Et le lecteur se sent progressivement cerné par cette atmosphère délétère, presque fantastique, où chaque détail devient troublant. Mais ce roman tout en finesse, permet aussi à Sophie Loubière d’aborder la question des relations humaines et familiales, du rapport à la mort et surtout celle,  rarement abordée dans le genre noir, du rôle de l’art dans l’espace mental de la personne qui le pratique. Avec toute la précision de son élégante écriture, Sophie Loubière construit ici, touche par touche, un magnifique récit oppressant, mais rempli d’humanité et d’intelligence. (CD)

De cendres et de larmes. Sophie Loubière. Fleuve noir, 2021.

Sophie Loubière sera au Festival Nuit blanche du Noir le 11 novembre 2021.

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