Conseil lecture et entretien: L’odyssée crépusculaire d’Olivier Bal

Le conseil lecture du #Festivaldepolar Nuit blanche du noir pour une fin de semaine à gravir les

Roches de sang (Olivier Bal)

2019. Marie Jansen est inspectrice à Europol. Elle traque le milliardaire et mafieux serbe Miroslav Horvat mais celui-ci se fait assassiner à Londres. Puis les meurtres s’enchainent et, à chaque fois, comme un signe à son intention, la même phrase écrite par l’assassin avec le sang de sa victime, en corse: Chè la mia ferita sia murtale, Que ma blessure soit mortelle. Or Marie est née en Corse où elle a vécu sa jeunesse avant d’abandonner l’île et ses malheurs, sans aucune intention de revenir. Il ne va donc pas lui suffire de parcourir l’Europe sur les traces du vengeur, elle va devoir bientôt retrouver ses racines et affronter ses cauchemars. Parce que tout la conduit vers un événement qui aurait eu lieu sur l’île 25 ans plus tôt.

1993. Ange revient en Corse pour aider son frère Théo. Voilà les fils du terrible Orso Biasini à nouveau réunis malgré le sange versé et les trahisons, vraies ou prétendues. Et, bien sûr, pour de mauvaises raisons sans doute, Ange se laisse entraîner dans le casse de yachts de luxe afin de permettre à son frère de rembourser sa dette auprès d’une autre famille mafieuse de l’île. Mais ce qu’ils vont découvrir dans la chambre forte de l’Odysséa va les confronter à eux-mêmes et les pousser, bien malgré eux, sur le chemin de la rédemption.

Le festival Nuit blanche du Noir a pu s’entretenir avec Olivier Bal lors de la sortie du roman.

NbdN: Vous nous aviez habitués à Paul Green auquel nous nous étions très attachés. Marie Jansen est votre nouveau personnage central. Que faut-il savoir d’elle?

Olivier Bal: Marie est agent de liaison chez Europol, cette organisation situé à La Haye et qui a pour but de combattre toutes les formes de criminalité organisée au sein de l’Union européenne. Marie n’est pas un agent de terrain. Elle ne sait pas ou à peine se servir d’un flingue. Ce qu’elle aime par dessus tout, c’est recouper les informations, croiser les dossier, fournir des informations pertinentes. Quand le roman commence, elle mène la vie qu’elle a choisie et qu’elle apprécie: un boulot cadré qui la rassure, un mari conciliant, une petite fille, Romy, une maison sécurisée le tout dans une ville, La Haye, relativement protégée. Elle a le sentiment de dominer, de maîtriser sa vie, même si elle est consciente de certaines failles, comme son absence d’amour maternel ou les fêlures de son passé qu’elle tente d’occulter. Depuis plus d’un an elle enquête sur Miroslav Horvat, le milliardaire serbe, par ailleurs aussi mafieux notoire. Et quand il est assassiné dans son appartement londonien et que le meurtrier laisse une inscription sur la baie vritrée, elle se sent presque personnellement impliquée car la phrase est écrite en corse. Et Marie est née sur cette île, dont elle ne voulait plus rien savoir! Et elle perçoit confusément que c’est en Corse que se situe probablement l’origine de toute l’histoire qui va soudain s’emballer avec d’autres meurtres. Comme si un meurtrier vengeur était à l’oeuvre. Alors elle va entreprendre une enquête folle qui va la mener de Londres à Belgrade, en passant par Lesbos avant de revenir en Corse, à son corps déféndant.

NbdN: Le roman croise deux époques, l’enquête de Marie en 2019 et des événements qui se sont déroulés en Corse en 1993. Pour cette période-là, le deuxième personnage central du roman, c’est Ange.

Olivier Bal: Ange Biasini a été le bras droit de son père , Orso Biasini, un parrain mafieux très redouté sur l’île au point qu’on le surnommait L’ogre! Ange a du sang sur les mains. Mais il a fui l’île, lui aussi , un peu avant la mort de son père, et s’est installé dans le sud de la France où il a monté un club de plongée, la grande passion de sa vie, puisqu’il a failli être champion de plongée en apnée. Mais à l’été 93 son club est réduit en cendres. C’est clairement une vendetta. Son frère Théo a des dettes qu’il ne rembourse pas, alors on l’atteint, lui. Et il décide de rentrer pour aider son frère à sortir de cette histoire. Mais bien entendu, rien ne va se passer comme prévu.

Nbdn: Parce que, en plus de ces deux personnages, il y en a clairement un troisième: la Corse!

Olivier Bal: J’adore la Corse. Dans mon enfance, mes parents avaient un bateau et chaque été nous faisions le tour de l’île. C’était magique. Les couleurs nous assaillaient, le bleu de la mer, le sombre des montagnes. J’avais en tête depuis longtemps d’écrire un western crépusculaire où une fratrie se déchirerait sur fond de tragédie. Et il n’y avait pas de plus beau cadre que la Corse. D’ailleurs quand Ange prend le bateau pour rentrer, il est à nouveau happé par la beauté de l’île. Il voit les dégradés de bleus, il sent les odeurs, au loin il voit la silhouette de son arbre, le vieux genèvrier, il rentre chez lui. Pour le pire certainement. Car il est habité par la violence et la mort. Et le paysage, tantôt sublime tantôt torturé, va être omniprésent dans le récit.

NbdN: Vous utilisez l’expression « accepter les choix de la déraison ». Est-ce cela qui, en fin de compte, pousse Ange aussi bien que Marie? La déraison?

Olivier Bal: Oui, certainement car, comme je le dis en conclusion du livre, il faut pouvoir se perdre pour se trouver. Marie et Ange n’ignorent pas que revenir vers l’île va modifier considérablement la vie qu’ils se sont construite. Ils vont certainement la perdre . Mais, en même temps, ils vont se trouver eux-mêmes et se dépasser.

NbdN: L’Odyssée est un élément central du récit. Le livre, le bateau Odysséa, les références culturelles qui y ramènent… Peut-on dire que votre roman est l’Odyssée de ces deux personnages, leur « retour à Ithaque »?

Olivier Bal: Exactement. C’est leur voyage de retour. Evidemment mouvementé. Plein d’embuches et de souffrances. Mais un voyage inexorable.

NbdN: Qui, au bout de la route, offre la rédemption?

Olivier Bal: La rédemption est une des principaux thèmes de mon livre. Mes personnages finissent par trouver leur chemin vers une rédemption personnelle. Certes à travers la souffrance et des choix douloureux, mais quelle qu’en soit la forme, elle leur permet de donner un sens à leur vie. Je suis très attaché à l’idée de rédemption.

NbdN: Parlons un peu de l’intrigue qui est vraiment exceptionnelle et qui tient le lecteur en haleine d’un bout à l’autre du roman. Comment procédez-vous? Quels sont vos mécanismes d’écriture? Avez-vous un plan?

Olivier Bal: Je suis journaliste, donc d’abord je m’informe. Je lis beaucoup d’ouvrages sur le sujet, j’interroge des gens, je fais des rencontres. Et pendant ce temps-là, je jette des idées, des notes, des impressions en vrac, sans logique dans un simple fichier word. Ensuite, je rédige un synopsis de 4 ou 5 pages à l’intention de mon éditeur. Oui, j’ai un plan mais il est constamment en mouvement. J’ai une idée des personnages mais parfois ils disparaissent. Ou bien, ils prennent plus de place que prévu et deviennent un personnage central. Comme, par exemple, dans Méfiez-vous des Anges (XO 2022), Rafa n’était au départ qu’un personnage secondaire, un « simple » membre d’un gang latino, mais petit à petit, il a existé, il a même « demandé » à exister! Et il finit par aider l’inspectrice Sarah Shelley dans ses recherches!

NbdN: Votre livre aborde aussi en toile de fond l’histoire européenne des 25 dernières années avec ses violences, ses guerres, ses déplacements de populations . Est-ce que le fonctionnement des Etats est complètement soumis à l’influence des mafias? A cette « araignée » mafieuse qui étend sa toile partout?

Olivier Bal: Beaucoup pensent que la création d’Europol en 1998 était trop tardive. Que les tentacules mafieuses d’Europe de l’Est et d’ailleurs étaient déjà largement installées. Et les 25 dernières années, avec les événements dont vous parlez, ont été propices à cette extension. Les guerres, les migrations ouvrent la porte à toutes les formes de criminalités. Pour le pouvoir. Pour l’argent.

Nbdn: Pour conclure, la vie n’est elle faite que de trahisons?

Olivier Bal: C’est vrai, des trahisons de toutes sortes parcourent notre vie comme celles de mes personnages. Mais pas uniquement. Il y a aussi des moments de confiance, de vraies retrouvailles. Et heureusement.

Voilà un magnifique roman, très abouti et remarquablement construit, qui nous embarque entre souffrance et émotion, sur les traces de héros en quête d’eux mêmes. Des personnages secondaires attachants et denses donnent au récit ses respirations et son rythme. Et bien sûr, le décor… Ces paysages sublimes se posent en contrepied des bassesses humaines et des aspirations au pouvoir somme toute ridicules et absurdes face à une nature dont l’inexorable indifférence n’a d’égale que l’absence d’humilité des hommes. (CD)

Roches de sang. Olivier Bal. XO 2023 .

Vous trouverez ce livre chez votre libraire habituel, évidemment! Sinon, commandez Roches de sang sur Librel, le site des libraires francophones indépendants de Belgique.Ce texte est soumis à la loi sur la reproduction. Autorisation à demander à inculq@gmail.com . Pour une lecture aisée, ce texte n’est pas genré.


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