Le conseil lecture du Festival Nuit blanche du Noir, pour pénétrer les secret de l’âme embrumée par
Iboga (Christian Blanchard)
Quand le fermier trouva, à l’orée du bois qui limitait son champ, un nourrisson à la peau noire vagissant avec énergie, il le ramena à sa femme et celle ci ne trouva d’autre solution que d’amener l’enfant aux services de l’adoption. Mais un gamin noir, colérique, violent et indomptable n’a pas vraiment le bon profil pour trouver des parents. Jefferson Petitbois s’était donc retrouvé ballotté d’orphelinat en familles d’accueil, de fugues en dépression. Aussi, quand Max, noir comme lui et de 30 ans son aîné, le sauve d’une tentative de suicide, Jefferson n’hésite pas à le reconnaître comme mentor, à le suivre dans son délire et les dédales de la drogue Iboga, à assassiner à sa demande une douzaine de SDF et probablement à violer. Arrêté en 1980 à l’âge de 16 ans, il devient le condamné à mort le plus jeune de France. Mais, en 1981, un certain François Mitterand accède au pouvoir et supprime la peine mort. Jefferson voit sa peine commuée en perpétuité et à l’isolement pour éviter ses déchaînements de violence. Ce temps de vie qui, soudain, s’allongeait à l’infini devenait son pire ennemi, et le lent écoulement des heures une torture sans limite, un tunnel aveugle. Mais au bout de 10 ans, les choses changent avec l’arrivée de Jean Dumont, un maton pas comme les autres, et de la psy Marie-Jeanne Delaboissière. Ils vont amener Jefferson à une forme de résilience en l’obligeant à descendre au plus profond de son âme et à plonger vers ses plus sombres souvenirs pour se poser l’immuable question humaine: qui suis-je vraiment?
Blanchard nous livre ici un étonnant récit, à la fois terriblement noir et lumineux. Il fouille l’âme et l’esprit de Jefferson avec une lucidité crue, obligeant le lecteur à une effrayante empathie envers ce serial killer, absent à lui-même et qui part à la découverte de ses territoires intérieurs. Un texte âpre, à l’écriture coups de poing, qu’on ne peut pas lâcher et qui, en fin compte, une fois le livre refermé, laisse, paradoxalement, pendant longtemps des filaments d’espérance traîner dans l’esprit des lecteurs.
Iboga, Christian Blanchard. Belfond 2018, Points 2019.
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