14 jours de confinement, c’est peu de choses, en somme, si l’on a sous la main quelques polars et récits noirs, indispensables autant que des pâtes et du riz. Alors, le Festival Nuit blanche du Noir vous propose 14 titres orientés épidémie. Voilà bien longtemps d’ailleurs que les auteurs se servent de l’effroyable virus comme d’un véritable objet littéraire. Dans l’univers romanesque, la pandémie peut revêtir tous les sens imaginables: châtiment de Dieu, complot universel, acte terroriste, vengeance d’un consortium pharmaceutique, étape de l’évolution…
Au XVIIème siècle, en 1720, à l’occasion de la peste de Marseille, Daniel Defoe se souvient de celle qui, Ven 1665, avait ravagé Londres faisant 70 000 morts en un an. En journaliste toujours sur le qui vive, Defoe rassemble description, conseils, réflexions morales mais aussi analyse sociologique: « comme il y a une société du crime, il y a une société de la peste qui a pesé très lourd dans l’histoire des mentalités » conclut-il dans Journal de l’année de la peste.
En 1898, Octave Mirbeau propose une féroce pièce en un acte, L’épidémie, dans laquelle un conseil municipal tarde à débloquer des fonds pour enrayer une épidémie de typhoïde jusqu’ici limitée aux casernes et aux quartiers pauvres. Jusqu’à ce qu’ils apprennent qu’un bourgeois vient de décéder de la fièvre. Ce qui change tout!
C’est en 1912, que Jack London imagine une dystopie post apocalyptique qu’il intitulera La Peste écarlate: en 2073, le monde est revenu à l’état sauvage, à la suite du fléau qui a ravagé la planète en 2013 et a quasiment éradiqué l’homme de la surface du globe. Cette peste, dite écarlate parce qu’elle provoque une coloration rouge de la peau, a totalement ravagé le monde. Seuls quelques individus, mystérieusement épargnés, ont survécu. Et un espoir subsiste: dans une grotte, Smith a entreposé des livres et la clé de l’alphabet!
La dystopie postapo de référence, c’est évidemment Ravage de Barjavel, paru en 1943. Dans cette société dominée par la course au progrès scientifique et dépendant de l’utilisation des technologies, un jour, l’électricité disparaît et plus aucune machine ne peut
fonctionner. Plus de transports, plus de communication, plus d’eau courante, plus de soins… c’est le chaos. Quatre ans plus tard, en 1947, La peste de Camus situe l’arrivée d’une épidémie à Oran (Algérie). La ville est frappée par la peste. Les rats et les humains meurent les uns après les autres. Une poignée d’hommes luttent contre la maladie. Parmi eux, le docteur Rieux qui cherche un sens à l’absurdité de cette situation. Pas étonnant, même s’il y a loin du coronavirus à la peste, que les ventes du roman augmentent en flèche depuis janvier!
Relire les classiques façon polar ou dystopie, ça ne peut pas faire de mal par ces temps compliqués!
Mais la peste ne se réveille pas qu’à Oran. Dans La peste à New York, Gwyneth Cravens et John S. Marre, respectivement journaliste et médecin, nous livrent le récit d’un cataclysme imaginaire, mais dont le réalisme hyper documenté fait, aujourd’hui, froid dans le dos. Dans le luxueux appartement familial de Park Avenue, une adolescente se met à tousser violemment, s’effondre, est hospitalisée. L’épidémie est en marche et gagne rapidement du terrain. La peur se répand à la même vitesse. Après une phase d’inertie, le gouvernement met en place des mesures terribles, à peine imaginables, pour assurer la décontamination de la ville. Ca vous parle?
Dans les années 80, Robin Cook est le maître du thriller médical! Il nous livre des romans qui, de nos jours encore, font frissonner , même si l’évolution des sciences a quelque peu fait vieillir le récit, comme Virus où le directeur et sept patients d’un centre médical sont emportés par un virus inconnu. Le CDS, organisme américain hautement spécialisé dans le combat contre les maladies contagieuses (et en charge de la lutte contre le cornairus, par ailleurs!) mène l’enquête: le virus est extrêmement dangereux, une véritable peste, mais qui, inexplicablement, ne sévit que dans les centres médicaux. Dans Contagion, c’est pire: des malades sont victimes de virus depuis longtemps éradiqués, comme celui de la peste. John Stapleton, devenu médecin légiste à New York après le décès de sa femme, sort de son indifférence léthargique pour mener l’enquête et constate que les morts étaient soignés dans les hôpitaux gérés par la puissante société d’assurances Americare! Le milieu médical n’a pas de secrets pour Robin Cook puisqu’il est médecin lui-même!
1994. Hervé Bazin publie Le neuvième jour. La sur-grippe, cette tueuse dont le Dr Alleaume recherche le vaccin depuis des années, a fondu sur un monde livré sans défenses ni frontières. « Dieu, est-il dit, créa le monde en six jours. Le septième, il se reposa. Le huitième, il chassa Adam et Eve du Paradis terrestre. Nous vivons ce neuvième jour où, qui sait ? l’homme, prenant la place de son créateur, risque de détruire la création ». Des bactéries tueuses, les thrillers médicaux nous en fournissent de toutes sortes et dans Menace mortelle, Leonard S. Golberg, autre grand spécialiste du genre, réveille une bactérie enfermée depuis 65 millions d’années dans un iceberg! En Alaska, les garde-côtes découvrent des cadavres dans un bateau à la dérive. Seul un enfant est encore en vie. Un bateau-laboratoire se rend sur place pour tenter d’isoler le virus mais la mort frappe sans relâche une équipe qui se bat jusqu’au bout pour sauver le monde d’une terrifiante pandémie.
Même Ken Follett, plutôt attiré par les grandes fresques historiques et le roman d’espionnage, se livre au jeu de l’épidémie! Peur blanche. En Grande-Bretagne, un échantillon du virus Madoba-2 a disparu du laboratoire Oxenford Medical. Arme biologique effroyable, ce virus pourrait contaminer une ville entière en quelques heures. Le PDG du labo est séquestré avec toute sa famille. Que veulent vraiment les preneurs d’otages?
Joshua Spanogle, lui, a choisi de nous mettre en Zone de confinement. Des cas de fièvre hémorragique de type virus Ebola sont signalés à l’hôpital St. Raphael de Baltimore. La maladie est très contagieuse, l’épidémie guette. La quarantaine est déclarée et les labos sont sur le pied de guerre mais les analyses ne donnent rien de probant. Comment enrayer ce mal inconnu? Le Dr Nathaniel McCormick va enquêter, envers et contre tous.
Aujourd’hui, face au covid19 la grippe aviaire apparaît un peu comme une bluette mais avec Pandemia, Franck Thilliez amorçait un virage annonciateur de bien plus terrible: trois cadavres de cygnes gisent sur une étendue d’eau et en même temps une grippe à la souche non identifiable vire à l’épidémie. Les plus costauds du quai des Orfèvres ne sont pas épargnés. Et pour couronner le tout Franck Sharko et Lucie Henebelle découvre un sac de toile contenant quatre corps en kit!
Le dernier virus littéraire en date c’est celui que Xavier Müller fait apparaître à Richards Bay, en Afrique du Sud où un homme s’est métamorphosé. Mâchoires proéminentes. Couvert de poils. Il ne parle plus. Bientôt, des homo erectus apparaissent à New York, Paris, Genève,… De quel virus s’agit-il ? Quel sens donner à cette épidémie? Toute l’humanité va-t-elle régresser? Que faire des Erectus ? Les protéger? les éliminer?
Bien évidemment, le choix présenté ici est limité (à 14!) et subjectif car de très nombreux auteurs de thrillers médicaux, dystopies ou romans d’investigation ont choisi le cadre de l’épidémie pour planter leurs intrigues. Le Festival Nuit blanche du Noir vous souhaite malgré tout un bon confinement que vous ne devrez même pas rompre pour vous procurer ces textes puisque presque tous les récits évoqués ici sont téléchargeables sur le site de Librel, le portail numérique des libraires francophones de Belgique! Bonne lecture! (CD)
- Journal de l’Année de la Peste, Daniel Defoe. Traduit de l’anglais par Francis Ledoux. Gallimard Réédition 1982.
- L’épidémie, Octave Mirbeau. 1898. Réédition CreateSpace Independent Publishing Platform, 2017.
- La peste écarlate, Jack London. Traduit de l’anglais par Louis Postif et Paul Gruyer. J’ai lu (6 juin 2018)
- Ravage, Barjavel. Gallimard 1943. Folio 1972.
- La Peste, Albert Camus. Gallimard, 1947. Folio 1972.
- La peste à New York , Gwyneth Cravens et John S. Marre. Traduit de l’anglais Marie-Lise Marlière. Gallimard 1978.
- Virus, Robin Cook. Traduit de l’anglais par Claude Yelnick. Le Livre de Poche, 1988.
- Contagion, Robin Cook. Traduit de l’anglais par Bernard Ferry. Albin Michel 1997, Livre de poche 1999.
- Le neuvième jour, Hervé Bazin. Grasset 1994, Livre de Poche 1996.
- Menace mortelle, Leonard S. Goldberg. Payot 2000 Collection Payot Suspense.
- Peur blanche, Ken Follett. Traduit de l’anglais par Eric Rosenthal. Robert Laffont 2005, Le Livre de Poche 2006
- Zone de confinement, Joshua Spanogle. Traduit de l’anglais par Sylvie Lucas. Seuil 2006.
- Pandemia, Franck Thilliez. Fleuve noir 2015, Pocket 2016.
- Erectus, Xavier Müller. XO, 2018)
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