Le conseil lecture du Festival Nuit blanche du Noir pour une fin de semaine à suivre le vol de…
L’Oiseau bleu d’Erzeroum (Ian Manook)

En 1915, aux environs d’Erzeroum, Araxie, 11 ans, et sa soeur Haïganouch, 6 ans, jouent avec un scarabée doré pendant que leur mère étend le linge. Ce sont leurs derniers instants d’insouciance. Sur la colline, se dessinent les silhouettes de trois cavaliers, 3 tchétché, ces paysans turcs à qui le gouvernement a donné pouvoir de mort sur les gaviour, les chrétiens arméniens considérés comme des infidèles. La mère est violée, torturée, tuée. Les fillettes sont miraculeusement sauvées et recueillies par leur oncle. Mais le répit est de très courte durée. La déportation des Arméniens vient de commencer. Les gamines entament la longue marche vers le désert, qui tourne rapidement au massacre : les familles sont séparées, décimées, abattues, sans sommation. Comment les deux sœurs vont-elles survivre dans ce déchaînement de haine aveugle et insensée ? C’est une véritable épopée, qu’il est impossible de raconter sans abîmer l’émotion qui vous saisira à chaque page de ce récit haletant, mais aussi, parfois, presqu’insupportable de par la violence que les hommes déchaînent sur d’autres hommes et – surtout – sur d’autres femmes. De Erzeroum à Istamboul, de Beyrouth à Paris en passant par Moscou, New York ou Berlin, c’est à un hallucinant voyage d’initiation auquel vous êtes conviés.
Ian Manook est un magnifique conteur d’histoires noires, on le savait déjà depuis Yeruldelgger. Ici, il nous entraîne dans une véritable saga car ces jeunes filles vont traverser la première moitié du 20ème siècle (le roman, premier volume d’une série, s’arrête en 1939) et connaître les pires cruautés que l’Histoire aura fait germer dans l’âme des hommes, sans jamais perdre leur amour de la vie et leur radieuse humanité. Dans ce récit qui retrace l’histoire de sa grand-mère, Manook se dévoile, c’est évident, mais il nous propose aussi de porter le regard – sans détour – sur le génocide arménien, épisode peu et mal connu du siècle dernier mais dont les répercussions sont encore sensibles dans les remous géopolitiques d’aujourd’hui. Les événements racontés ici sont durs et pleins de violence, on ne peut s’empêcher de rire, d’être émus, de trembler, de s’insurger, bref, s’il est bien un livre que l’on ne peut / que l’on ne doit pas lâcher, c’est celui-ci. Manook nous prend aux tripes et nous rend plus humains. (CD)
Ian Manook sera au Festival Nuit blanche du Noir les 9 et 10 novembre 2021.
L’Oiseau bleu d’Erzeroum. Ian Manook. Albin Michel, 2021
Vous trouverez ce livre chez votre libraire habituel, évidemment! Sinon, commandez L’oiseau bleu d’Erzeroum sur Librel, le site des libraires francophones indépendants de Belgique.
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Vraiment super ce conseil de lecture…
Bisous
Françoise
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