Le conseil lecture du #Festivaldepolar Nuit blanche du Noir de #Mons pour une fin de semaine à perpétuer le souvenir de
L’été sans retour (Giuseppe Santoliquido)
Le premier dimanche de juin 2005, le village de Ravina (Italie, La Basilicate ) n’a pas pu célébrer dignement la journée de la frisella car, dans le début de l’après-midi, la disparition de Chiara, une jeune ado de 15 ans, solaire et superbe, a mobilisé les forces vives. Les jours passent, les recherches restent vaines. Les médias s’emparent de l’affaire et la transforment en une larmoyante télé-réalité voyeuriste diffusée dans tout le pays. Mais le corps reste introuvable. Jusqu’à ce que l’impensable se révèle… Quinze ans plus tard, Sandro, l’enfant de Ravina aujourd’hui exilé volontaire en Belgique, convoque sa mémoire et tente de réorganiser les faits pour comprendre.
Voilà pour l’anecdote narrative inspirée d’ailleurs d’un fait divers réel, l’affaire Michele Misseri.

Mais Santoliquido nous attend ailleurs. Et de ce récit anecdotique, qui aurait pu n’être qu’un « simple » roman noir à suspense autour d’un meurtre, il fait le roman de la réalité sociale d’un village (devenu universel) où chacun sait tout du voisin mais où personne, en fin de compte, ne sait jamais rien des vrais tourments intérieurs qu’impose le seul fait d’être sous le regard de l’autre.
A travers les souvenirs forcément fragmentés de Sandro et les propos rapportés des uns et des autres, la terrible et misérable humanité se dessine sous nos yeux, exacerbée par le jeu des médias. Car c’est bien à cette question que nous amène Santoliquido: que reste-t-il de nos actes et de nos souffrances une fois passés par le tamis de la mémoire. Et ce que le narrateur (JE) annonçait d’entrée de jeu, dans une amorce proustienne à peine cachée derrière sa position de deuxième phrase : “Longtemps, je me suis mesuré à mes remords, cherchant à les exiler aux confins de ma mémoire sans y parvenir ».
Faut-il après cela ajouter que ce roman, avec son écriture limpide et ardente à la fois, est un immense coup de cœur de la chroniqueuse qui rédige ces lignes (un peu comme le Plateau de Franck Bouysse, jadis) ? Un de ces intenses moments littéraires destinés semble-t-il à rasséréner le lecteur : cette littérature-là a toujours le pouvoir de sublimer la réalité. (CD)
L’été sans retour. Giuseppe Santoliquido. Gallimard, 2022. Prix des lecteurs des librairies Club.
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Giuseppe Santoliquido sera au Festival Nuit blanche du Noir de Mons le 13 novembre 2022.