Un conseil lecture du #Festivaldepolar Nuit blanche de #Mons pour une fin de semaine horrifique !
Etrange rencontre ce dimanche 2 avril à Quais du Polar de Lyon rassemblant Bora Chung (Corée), Keko et Carlos Portela (Espagne), William Thorp (France) et Bernard Minier (France). Dans la resplendissante salle de l’hôtel de Ville qui brille de tous ses ors, on parle noir, horreur, sang et gore : la rencontre Le bon goût du gore et du (très) sombre était animée par Jacques Lindecker

Et ça commence fort avec Bora Chung qui révèle ne pas faire vraiment du gore mais plutôt explorer la face la plus obscure de l’âme humaine, cette partie remplie de nos névroses et de tout ce qu’on ne veut pas regarder en face. Pour elle, ce ne sont pas des idées « tordues » qu’elles raconte mais des situations et des personnages banals. Ces histoires existent, Bora change seulement la fin, et encore… pas toujours ! !

Les autres participants ne sont pas en reste : Keko et Portela se sont penchés sur un village de Floride où ne vivent que des délinquants sexuels. En Floride, la loi interdit à toute personne condamnée pour crime sexuel d’approcher un enfant à moins de 300m. Donc, les condamnés se rassemblent – se ghettoïsent – dans ce village qui existe vraiment, est soutenu par l’église des Adventistes du 7ème jour et où, même le révérend de la communauté est condamné pour abus sexuel. Le reste est inventé, bien sûr, mais au départ, tout est là.

William Thorp, lui, a choisi la forme du true crime . En 2018, la police américaine annonçait l’arrestation du Golden State Killer , auteur de plus de 140 cambriolages, 50 viols et au moins 13 meurtres dans les années 1970 et 1980. Thorp décortique en journaliste les nombreuses années de traque que les enquêteurs vont mener dans l’Etat de Californie pour trouver l’auteur de ces monstruosités.

Quant à Bernard Minier, il a exploré le film d’horreur . D’abord parce qu’il n’avait pas envie de se répéter ou d’être la caricature de lui-même en racontant une nouvelle aventure de Servaz. Mais aussi parce que, selon lui, dans ce genre, tout est permis. Et que cela, évidemment, pose la question des « limites ». Lui aussi « emprunte » au réel, et le pousse au maximum. Comme l’état de santé psychiatrique de certains personnages. Par exemple, il traite dans son dernier roman de l’apophélie, cette maladie qui consiste à voir partout des signes adressés à soi-même.
Au-delà de l’aspect purement gore de son recueil de nouvelles, Bora Chung veut aussi insérer dans ses textes une dimension politique et une part de son engagement pour la condition féminine. Mais elle ajoute aussitôt qu’elle est une menteuse professionnelle et qu’elle prend un malin plaisir à mélanger mensonge et vérité.
Le roman graphique de Keko et Carlos Portela est, disent-ils, traversé par le souci d’une société de se donner « bonne conscience ». En cachant les prédateurs sexuels. En occultant la mort de l’un d’eux. A l’heure où la pornographie fait partie du monde. A l’heure où la manipulation à distance, cette nouvelle forme de violence, est monnaie courante. La société américaine craint l’autre, se méfie, est régie par la peur. C’est probablement pour cela qu’ils ont choisi de réaliser un roman graphique en noir et blanc saturé. C’est le style habituel de Keko (qui avoue être daltonien et pour cela ne pas utiliser de couleurs !) mais c’est aussi un choix esthétique et éthique. Le mal est dans l’ombre, il n’y a pas toujours de la lumière autour de lui.
Bernard Minier pense que le roman cherche à donner un sens dans le désordre, à mettre de l’ordre dans ce désordre. Or, aujourd’hui, même si coupable est connu, le chaos subsiste car l’esprit du roman est complexe. La question du « monstre » reste centrale. Même s’il y a une esthétique, une couleur du film d’horreur.
Chez William Thorp, toute l’horreur est vraie. C’est la noirceur absolue sous le soleil de Californie. Quand la réalité du mal dépasse la fiction, il faut un progrès de la science (comme la découverte de l’ADN par parentèle) et la ténacité des enquêteurs pour le dominer.
Jacques Lindecker termine sur une question originale mais qui est au centre du Conseil lecture du Festival : voilà des livres à ne pas mettre entre toutes les mains. Pourquoi dès lors devrions-nous les prendre en main ?
Minier : Leur nature, c’est justement la bonne raison de les prendre en main.
Bora Chung : Parce que les méchants meurent ou sont punis à la fin. Donc nous sommes satisfaits.
Keko et Carlos Portela : Pour se poser la question de savoir ce que nous ferions dans une situation similaire. Prendre le livre en main, c’est accepter de se laisser questionner.
William Thorp : Parce qu’il faut être conscient du fait que le mal dort. Méfiez-vous !
Glaçant, n’est-il pas ? Mais tellement tentant ! (CD)
Lapin maudit. Bora Chung. Matin Calme, 2023. Traduit du coréen par Hervé Péjaudier et Yumi Han.
Contrition . Keko et Carlos Portela. Denoël Graphic, 2023. Traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco.
L’affaire du Golden State Killer. William Thorp. Society, 10-18, 2023
Un oeil dans le nuit. Bernard Minier. XO Editions, 2023
Vous trouverez ces livres chez votre libraire habituel, évidemment! Sinon, commandez- les sur Librel, le site des libraires francophones indépendants de Belgique.Ce texte est soumis à la loi sur la reproduction. Autorisation à demander à inculq@gmail.com . Pour une lecture aisée, ce texte n’est pas genré.
A reblogué ceci sur Amicalement noir.
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