Traduire le polar coréen

Dans le cadre de la Semaine du Livre qui s’est tenue à la Galerie Bortier du 13 au 20 mars 2022, la Foire du Livre de Bruxelles avait organisé une après-midi consacrée à la traduction littéraire au cours de laquelle Michel Dufranne a animé une rencontre sur le thème Traduire le polar coréen. Pour l’occasion Pierre Bisiou, traducteur et directeur des Editions du Matin Calme, et Kyungran Choi traductrice, ont échangé avec lui sur les spécificités du polar coréen et sur les difficultés de leur traduction.

Premier constat central : alors que la Corée achète beaucoup de droits de romanciers français et que plusieurs auteurs y connaissent un énorme succès comme Musso, par exemple, il y a peu de polars français ou internationaux traduits en coréen. Et le milieu littéraire, assez fermé, est  en résistance par rapport à ce genre. Le polar coréen n’est donc pas encore très apprécié du public local et la production de polars est, la plupart du temps, fermée sur la culture coréenne.

A l’inverse des polars scandinaves très liés à l’actualité politique ou au questionnement social, l’intrigue sociale des polars coréens n’est pas aussi importante que la psychologie des personnages. Les principaux thèmes abordés sont liés au fait que la Corée du Sud a connu pendant longtemps, et jusque dans les années 90, une dictature qui muselait la parole. Aujourd’hui  les thèmes abordés sont souvent l’enfance et l’abandon de l’enfance (car le peuple coréen reste très marqué par la catastrophe du Sewol, ce ferry qui, en 2014, a sombré au large des côtes de la Corée du sud faisant 304 morts, presque tous lycéens), les guerres sur les réseaux sociaux (et notamment liées à cette tragédie), la justice ou plutôt l’injustice ressentie de la justice, les mafias … Et les auteurs de polars coréens sont surtout des autrices car la femme semble plus libre de s’exprimer à travers ce genre trop peu lu encore.

A la manière des webtoons, beaucoup de romans  commencent par être publiés sous la forme de web romans, par petits bouts. Ils ne sont pas aussi formatés que les e-books scandinaves et les formats sont divers et nombreux mais  leur écriture est malgré tout assez spécifique et l’on y sent fortement l’influence du cinéma.

En matière de traduction, les éditions du Matin calme ont privilégié les paires de traducteurs. Ainsi Pierre Bisiou et  Kyungran Choi ont traduit de nombreux romans ensemble. Kyungran Choi fait une première traduction et Pierre Bisou, qui  connaît peu le coréen, « francise » le texte. En effet, la traduction est compliquée par le fait que le coréen utilise abondamment les répétitions et surtout les onomatopées ! Ce qui, dans un polar en français, serait incompréhensible. Une autre embûche réside dans la forme d’humour, très complexe, subtile  et difficile à décoder, donc à exprimer en français. Enfin, le texte doit, à la manière de la société coréenne, rester très pudique. Car, même si beaucoup de choses changent en Corée du Sud, la pudeur reste une constante sociale.

Et n’hésitez pas à relire les conseils lecture de la Nuit blanche du Noir consacrés au polar coréen!

Synthèse Christine Defoin

Ce texte est soumis à la loi sur la reproduction. Autorisation à demander à inculq@gmail.com

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